Ma bible
by Bernard Joyet
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Il m´arrive, durant ma vie de saltimbanque,
De me retrouver seul à l´hôtel dans mon lit
Pour dissiper l´angoisse et combler quelques manques
Jusqu´au petit matin, insomniaque, je lis
En quête, l´autre soir, d´une saine lecture
Pour m´enrichir un peu et juguler l´ennui
J´ai trouvé par hasard les Saintes Écritures
Posées négligemment sur la table de nuit
L´objet, de prime abord, pourrait paraître austère
Aucune illustration pour mettre en appétit
Le titre sur le cuir est en gros caractères
Hélas, à l´intérieur, c´est écrit tout petit
L´œuvre, à certains égards, côté rocambolesque,
Fait penser à Tintin, l´immortel vadrouilleur
Et pour venir à bout d´un travail titanesque
Comme chez Sulitzer, l´auteur était... plusieurs
Malgré crimes, larcins, trahisons, impostures
Incestes, viols, complots, batailles sans merci
Massacres, macchabées, tortures, forfaitures
Une certaine éthique habite le récit
On peut y déceler quelques invraisemblances
Mais l´intrigue est complexe, hérissée d´inventions
Et, tout bien réfléchi, ça n´a pas d´importance
C´est le lot habituel des romans de fiction
Dès qu´un drame survient, qu´un incident éclate
On peut les repérer sur le calendrier
A chaque événement correspond une date
Dans la plupart des cas, c´est un jour férié
Le lecteur est conquis dès la première page
A peine commencée, l´histoire tourne mal
Après l´intervention qui perturbe un ménage
D´éléments extérieurs, un fruit, un animal
Inévitablement pour perpétuer l´espèce
Caïn doit s´accoupler à l´un de ses parents
Si ce n´est cet instant de petite faiblesse
On ne note aucun signe immoral apparent
Neuf cent trente ans de vie, c´est une peccadille
Sûr qu´il y avait foule à son enterrement
Pour y coucher tous les membres de sa famille
Adam dût rédiger un bien long testament
Ève est belle à croquer mais peindre la Genèse
Demande un minimum d´études et de savoirs
Émules de Manet, Delacroix, Véronèse,
Effacez ce nombril que je ne saurai voir!
Tout bien vérifié, je persiste et je signe
Récemment, dans la rue, j´ai tenté quelques pas
Habillé simplement d´une feuille de vigne
Sans l´aide de la main, l´affaire ne tient pas
Vous me pardonnerez de passer sous silence
Appendices, sermons, poèmes, élégies
Et, par un raccourci, venir au fer de lance
Au passage essentiel de cette anthologie
J´ai quelques réticences à croire qu´une vierge
Puisse se retrouver sans une opération
Enceinte jusqu´aux yeux sans avoir vu la verge,
Quel imparable obstacle à la contraception!
J´imagine Joseph agitant sa varlope
Invectivant Marie devant son ventre rond
"Immaculée? Mon cul! Tu m´as trompé, salope!
Si c´est le Saint Esprit, je suis Napoléon!"
L´érotisme est partout qui nous tient en haleine
Les époux du Cantique ont des refrains galants
La belle Sulamite et Marie-Madeleine
Ont le regard brûlant et le corps ondulant
Il suffit de deux mots et voilà qu´on s´égare
La multiplication des pains m´a dérouté
Fébrile, j´attendais une bonne bagarre
Le coup du magicien est ma foi bien monté
N´étant pas, Dieu merci, de ceux qui font les pitres
En brocardant voyance et fantasmagorie
Nous laissons à l´auteur libre voix au chapitre
Évitons le procès de la sorcellerie
C´est la phase enchantée, un héros plein de charme
Pratiquant la manie et l´abracadabra
D´un geste, d´un clin d´œil vous sauve, vous désarme
L´infaillible Zorro guérit à tour de bras
Infirmes, sourds, lépreux, bègues, paralytiques
Aveugles, esprits impurs, belles-mères, impotents
Ici c´est un manchot, là un épileptique,
Et là, plus fort encore, c´est tout en même temps
La scène de la Cène est plutôt lamentable
Où l´on va démasquer le disciple infidèle
Mais on est trop nombreux quand on est treize à table
Il en est toujours un pour foutre le bordel
Je frissonne d´effroi au moment du partage
"Mangez ça, c´est mon corps; buvez ça, c´est mon sang"
Me voilà tour à tour vampire, anthropophage!
Ce morceau d´épouvante est vraiment oppressant
On soigne le détail esthétique et pratique
Tout est en harmonie, admirez cette croix
Ses lignes épurées, sa forme ergonomique
Agréable à porter, maniable de surcroît
Qu´aurait dit Jésus face à des énergumènes
Au mépris du confort et de son embarras
Lui tendant lâchement une croix de Lorraine?
"L´engin est mal foutu, je n´ai pas quatre bras!"
Sans dévoiler la fin, par ailleurs fantastique,
J´avoue que subjugué par un déferlement
De désordres violents voire apocalyptiques
J´en suis resté béat, c´est un vrai monument
J´écrirais un papier si j´étais journaliste
Je ferais volontiers de la publicité
En inscrivant l´ouvrage en tête de la liste
Des bouquins qu´on peut lire à la plage l´été
Pour l´œil inquisiteur, la critique est facile
Tout comme Saint Thomas, j´ai des doutes parfois
Mes propos ne sont pas paroles d´Évangile
Le profane est sceptique en toute bonne foi
Partout dans mes tournées, désormais, je l´emporte
C´est mieux que la télé débitant ses navets
Mon Amérique à moi, ma Bible en quelque sorte
Mon guide, mon sauveur, mon livre de chevet
Et si je vous convainc et vous sensibilise
Alors pensez à moi quand vous le dévorez
Je convie les bigots, les grenouilles d´église
A lire un exemplaire et à s´en inspirer
Oh! je vous vois venir, athées de pacotille
Avec vos gros sabots, comme des bulldozers
C´est vrai que ces gens-là bouchent leurs écoutilles
Mais tant pis, j´aime bien prêcher dans le désert
Prêcher dans le désert!
De me retrouver seul à l´hôtel dans mon lit
Pour dissiper l´angoisse et combler quelques manques
Jusqu´au petit matin, insomniaque, je lis
En quête, l´autre soir, d´une saine lecture
Pour m´enrichir un peu et juguler l´ennui
J´ai trouvé par hasard les Saintes Écritures
Posées négligemment sur la table de nuit
L´objet, de prime abord, pourrait paraître austère
Aucune illustration pour mettre en appétit
Le titre sur le cuir est en gros caractères
Hélas, à l´intérieur, c´est écrit tout petit
L´œuvre, à certains égards, côté rocambolesque,
Fait penser à Tintin, l´immortel vadrouilleur
Et pour venir à bout d´un travail titanesque
Comme chez Sulitzer, l´auteur était... plusieurs
Malgré crimes, larcins, trahisons, impostures
Incestes, viols, complots, batailles sans merci
Massacres, macchabées, tortures, forfaitures
Une certaine éthique habite le récit
On peut y déceler quelques invraisemblances
Mais l´intrigue est complexe, hérissée d´inventions
Et, tout bien réfléchi, ça n´a pas d´importance
C´est le lot habituel des romans de fiction
Dès qu´un drame survient, qu´un incident éclate
On peut les repérer sur le calendrier
A chaque événement correspond une date
Dans la plupart des cas, c´est un jour férié
Le lecteur est conquis dès la première page
A peine commencée, l´histoire tourne mal
Après l´intervention qui perturbe un ménage
D´éléments extérieurs, un fruit, un animal
Inévitablement pour perpétuer l´espèce
Caïn doit s´accoupler à l´un de ses parents
Si ce n´est cet instant de petite faiblesse
On ne note aucun signe immoral apparent
Neuf cent trente ans de vie, c´est une peccadille
Sûr qu´il y avait foule à son enterrement
Pour y coucher tous les membres de sa famille
Adam dût rédiger un bien long testament
Ève est belle à croquer mais peindre la Genèse
Demande un minimum d´études et de savoirs
Émules de Manet, Delacroix, Véronèse,
Effacez ce nombril que je ne saurai voir!
Tout bien vérifié, je persiste et je signe
Récemment, dans la rue, j´ai tenté quelques pas
Habillé simplement d´une feuille de vigne
Sans l´aide de la main, l´affaire ne tient pas
Vous me pardonnerez de passer sous silence
Appendices, sermons, poèmes, élégies
Et, par un raccourci, venir au fer de lance
Au passage essentiel de cette anthologie
J´ai quelques réticences à croire qu´une vierge
Puisse se retrouver sans une opération
Enceinte jusqu´aux yeux sans avoir vu la verge,
Quel imparable obstacle à la contraception!
J´imagine Joseph agitant sa varlope
Invectivant Marie devant son ventre rond
"Immaculée? Mon cul! Tu m´as trompé, salope!
Si c´est le Saint Esprit, je suis Napoléon!"
L´érotisme est partout qui nous tient en haleine
Les époux du Cantique ont des refrains galants
La belle Sulamite et Marie-Madeleine
Ont le regard brûlant et le corps ondulant
Il suffit de deux mots et voilà qu´on s´égare
La multiplication des pains m´a dérouté
Fébrile, j´attendais une bonne bagarre
Le coup du magicien est ma foi bien monté
N´étant pas, Dieu merci, de ceux qui font les pitres
En brocardant voyance et fantasmagorie
Nous laissons à l´auteur libre voix au chapitre
Évitons le procès de la sorcellerie
C´est la phase enchantée, un héros plein de charme
Pratiquant la manie et l´abracadabra
D´un geste, d´un clin d´œil vous sauve, vous désarme
L´infaillible Zorro guérit à tour de bras
Infirmes, sourds, lépreux, bègues, paralytiques
Aveugles, esprits impurs, belles-mères, impotents
Ici c´est un manchot, là un épileptique,
Et là, plus fort encore, c´est tout en même temps
La scène de la Cène est plutôt lamentable
Où l´on va démasquer le disciple infidèle
Mais on est trop nombreux quand on est treize à table
Il en est toujours un pour foutre le bordel
Je frissonne d´effroi au moment du partage
"Mangez ça, c´est mon corps; buvez ça, c´est mon sang"
Me voilà tour à tour vampire, anthropophage!
Ce morceau d´épouvante est vraiment oppressant
On soigne le détail esthétique et pratique
Tout est en harmonie, admirez cette croix
Ses lignes épurées, sa forme ergonomique
Agréable à porter, maniable de surcroît
Qu´aurait dit Jésus face à des énergumènes
Au mépris du confort et de son embarras
Lui tendant lâchement une croix de Lorraine?
"L´engin est mal foutu, je n´ai pas quatre bras!"
Sans dévoiler la fin, par ailleurs fantastique,
J´avoue que subjugué par un déferlement
De désordres violents voire apocalyptiques
J´en suis resté béat, c´est un vrai monument
J´écrirais un papier si j´étais journaliste
Je ferais volontiers de la publicité
En inscrivant l´ouvrage en tête de la liste
Des bouquins qu´on peut lire à la plage l´été
Pour l´œil inquisiteur, la critique est facile
Tout comme Saint Thomas, j´ai des doutes parfois
Mes propos ne sont pas paroles d´Évangile
Le profane est sceptique en toute bonne foi
Partout dans mes tournées, désormais, je l´emporte
C´est mieux que la télé débitant ses navets
Mon Amérique à moi, ma Bible en quelque sorte
Mon guide, mon sauveur, mon livre de chevet
Et si je vous convainc et vous sensibilise
Alors pensez à moi quand vous le dévorez
Je convie les bigots, les grenouilles d´église
A lire un exemplaire et à s´en inspirer
Oh! je vous vois venir, athées de pacotille
Avec vos gros sabots, comme des bulldozers
C´est vrai que ces gens-là bouchent leurs écoutilles
Mais tant pis, j´aime bien prêcher dans le désert
Prêcher dans le désert!