Je me souviens bien, lorsque j´étais petit
Les filles de notre village
Avaient conservé souvenir de l´habit
De mon père, à son mariage
Il était si tant bleu barbeau
D´un drap si fin, si bien fait et si beau
Que toutes quand il l´endossa
Admirèrent l´habit à papa

De mémoire d´homme dans notre beau pays
L´on n´avait vu si belle noce
Jamais mariés ne s´étaient si bien mis
Trois grands jours, on se fit des bosses
Ma mère qui s´extasiait
Devant son époux si bien mis, si bien fait
De bonheur le soir se pâma
En prenant l´habit à papa

Lorsque l´ chant du coq annonçait le matin
Malgré les travaux de la ferme
Vite on la voyait prendre l´habit en main
Le secouer longtemps et ferme
Tout le jour d´ l´habit s´occupant
De ma bonne mère, il remplit les instants
En peu de fois, ma mère passa
Sa main sur l´habit à papa

J´ai entendu dire aussi qu´un p´tit réduit
Lui servait ne vous en déplaise
En guise d´armoire et que toute la nuit
Elle lui mettait l´habit à l´aise
Quoique ces affaires souvent
Dans cet endroit, fussent étroitement
Toujours une place était là
Pour loger l´habit à papa

Il faisait beau voir ma mère chaque jour
Contempler cet objet unique
L´entourer de soins, lui montrer plus d´amour
Qu´un conscrit n´a pour sa tunique
Car sitôt qu´il était mouillé
Du haut en bas il était essuyé
Quels beaux moments ma mère passa
A soigner l´habit à papa

[couplet supplémentaire:]
Mais un beau jour, c´était l´été,
Un bruit courut dans le village
Ce jour-là, mon père l´avait prêté,
C´était la première fois, je le gage,
Toutes les filles des environs
Auraient voulu en avoir un patron,
De fureur ma mère s´arma
Et coupa l´habit à papa!