Pour les filles-mères
par Caroline Cler
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Elle était bonne dans un p´tit restaurant
Croyant encore l´amour des hommes sincère
Elle devint la maîtresse d´un client
Qui disparut la voyant près d´être mère
Les habitués disaient d´un ton narquois
"C´est épatant c´ que la bobonne profite
Ici, l´on mange des plats de premier choix
L´air de Paris fait engrosser la p´tite´
Lorsqu´elle ne put cacher sa position
L´ patron lui dit, étranglant de colère,
"Vous avez mis la honte dans ma maison
Fichez-moi le camp, je ne veux pas d´une fille-mère!"
Etant sans ressource, à la maternité,
Elle vint demander, le cœur gros de souffrance,
Si l´on pouvait la prendre par charité
Pendant quelque temps avant sa délivrance
"V´nez dans deux mois" lui répond l´employé
"Lorsque viendra votre poupon qui est en route,
L´on vous gardera pendant trois jours entiers,
C´est bien assez pour le prix qu´ ça vous coûte!"
Dans d´autres asiles on lui dit brusquement
"Vous n´êtes pas de Paris, ça, c´est une autre affaire,
Adressez-vous à votre département,
Nous ne pouvons pas nous charger des filles-mères"
Les ironies de l´Administration
Faisaient saigner le cœur de la pauvre gosse
Et les voyous, sans aucune compassion,
Passaient près d´elle en riant de sa bosse
À la mairie, elle vint demander un secours
L´ chef de bureau lui dit d´un ton farouche
"Vous êtes trop pressée, repassez donc un d´ ces jours
Quand vous serez relevée de vos couches
Si vous gardez votre enfant avec vous
On vous donnera des langes et une brassière,
Un beau berceau d´osier de vingt-neuf sous
Et puis dix francs, c´est l´ tarif des filles-mères"
Elle se dit "J´ vais r´tourner voir mes vieux,
P´t-être qu´au village on s´ra plus charitable"
Sans rien manger, les larmes plein les yeux,
Elle fit à pied la route interminable
En arrivant sur la Grand-Place, elle vit
Monsieur le maire discourant d´une voix forte
On couronnait la rosière du pays
À bout de forces, la fille-mère tomba morte
Avant d´ chercher à donner de l´argent
Pour couronner la vertu des rosières,
Puisque la France réclame des enfants
Donnez d´abord du pain aux filles-mères!
Croyant encore l´amour des hommes sincère
Elle devint la maîtresse d´un client
Qui disparut la voyant près d´être mère
Les habitués disaient d´un ton narquois
"C´est épatant c´ que la bobonne profite
Ici, l´on mange des plats de premier choix
L´air de Paris fait engrosser la p´tite´
Lorsqu´elle ne put cacher sa position
L´ patron lui dit, étranglant de colère,
"Vous avez mis la honte dans ma maison
Fichez-moi le camp, je ne veux pas d´une fille-mère!"
Etant sans ressource, à la maternité,
Elle vint demander, le cœur gros de souffrance,
Si l´on pouvait la prendre par charité
Pendant quelque temps avant sa délivrance
"V´nez dans deux mois" lui répond l´employé
"Lorsque viendra votre poupon qui est en route,
L´on vous gardera pendant trois jours entiers,
C´est bien assez pour le prix qu´ ça vous coûte!"
Dans d´autres asiles on lui dit brusquement
"Vous n´êtes pas de Paris, ça, c´est une autre affaire,
Adressez-vous à votre département,
Nous ne pouvons pas nous charger des filles-mères"
Les ironies de l´Administration
Faisaient saigner le cœur de la pauvre gosse
Et les voyous, sans aucune compassion,
Passaient près d´elle en riant de sa bosse
À la mairie, elle vint demander un secours
L´ chef de bureau lui dit d´un ton farouche
"Vous êtes trop pressée, repassez donc un d´ ces jours
Quand vous serez relevée de vos couches
Si vous gardez votre enfant avec vous
On vous donnera des langes et une brassière,
Un beau berceau d´osier de vingt-neuf sous
Et puis dix francs, c´est l´ tarif des filles-mères"
Elle se dit "J´ vais r´tourner voir mes vieux,
P´t-être qu´au village on s´ra plus charitable"
Sans rien manger, les larmes plein les yeux,
Elle fit à pied la route interminable
En arrivant sur la Grand-Place, elle vit
Monsieur le maire discourant d´une voix forte
On couronnait la rosière du pays
À bout de forces, la fille-mère tomba morte
Avant d´ chercher à donner de l´argent
Pour couronner la vertu des rosières,
Puisque la France réclame des enfants
Donnez d´abord du pain aux filles-mères!