Y a des mots tout penauds
Qui passent incognito
Sans jamais faire d´histoires
Y a des mots bien rondos
Qu´on affiche au tableau
Qui marquent nos mémoires
Y a des mots d´artifice
Qui sont pleins de malice
Pour mieux tromper les gens
Y a ceux de Léopold
Le vieux maître d´école
Qui fait rire les enfants

Motus et bouche cousue
Sur les mots biscornus
Qui trottent dans ma tête
Motus et cœur cousu
Aux pensées ambiguës
Qui jouent les trouble-fête

Y a des mots sous un pli
Qu´on ouvre et puis qu´on lit
La larme au bout du nez
Y a des mots endurcis
Qui, beuglés par mépris,
Violent la liberté
Y a des mots d´illusion
Qui, avec prétention,
Crachent tout leur venin
Fanfares et orphéons
Vous gueulent leur chanson
Pour gagner un scrutin

Motus et bouche cousue
Sur les mots corrompus
D´isoloir en gazette
Motus et cœur cousu
Aux comptoirs des têtus
Qui sentent l´anisette

Y a des mots que l´on garde
Quand on a la chamade
Planqués sous l´oreiller
Des intrus par mégarde
Qui débarquent en cascade
Sans y être invités
Dans les yeux de la vieille
Y a des mots qui sommeillent
Mais qui s´ laissent deviner
Mots duvet, mots velours
Mots d´amie, mots d´amour
Qu´elle avait oubliés

Motus et bouche cousue
Sur les mots disparus
En écho dans sa tête
Motus et corps cousu
Sur le temps suspendu
Qui craque une allumette

Y a les mots d´ mon crayon
Qui, remplis d´émotion,
Voudraient s´ faire partager
Y a les mots que j´oublie
Parce que j´ai mes non-dits
Que je veux protéger
Y a mes mots tout tremblants
Qui ont pris tout leur temps
Pour ne pas vous brusquer
Les mots que je ne trouve pas
Parce qu´il ne suffit pas
D´ mélanger
L´alphabet