L'épave
par Georges Brassens
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J´en appelle à Bacchus! A Bacchus j´en appelle!
Le tavernier du coin vient d´me la bailler belle.
De son établiss´ment j´étais l´meilleur pilier.
Quand j´eus bu tous mes sous, il me mit à la porte
En disant : " Les poivrots, le diable les emporte! "
Ça n´fait rien, il y a des bistrots bien singuliers...
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre
Mort, croyant tout de bon que j´ai cessé de vivre
(Vous auriez fait pareil), s´en prit à mes souliers.
Pauvre homme! vu l´état piteux de mes godasses,
Je dout´ qu´il trouve avec son chemin de Damas-se.
Ça n´fait rien, il y a des passants bien singuliers...
Un étudiant miteux s´en prit à ma liquette
Qui, à la faveur d´la nuit lui avait paru coquette,
Mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller.
Je l´plains de tout mon cœur, pauvre enfant, s´il l´a mise,
Vu que, d´un homme heureux, c´était loin d´êtr´ la ch´mise.
Ça n´fait rien, y a des étudiants bien singuliers...
La femm´ d´un ouvrier s´en prit à ma culotte.
" Pas ça, madam´, pas ça, mille et un coups de bottes
Ont tant usé le fond que, si vous essayiez
D´la mettre à votr´ mari, bientôt, je vous en fiche
Mon billet, il aurait du verglas sur les miches. "
Ça n´fait rien, il y a des ménages bien singuliers...
Et j´étais là, tout nu, sur le bord du trottoir-e
Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires.
Une petit´ vertu rentrant de travailler,
Elle qui, chaque soir, en voyait un´ douzaine,
Courut dire aux agents : " J´ai vu que´qu´ chos´ d´obscène! "
Ça n´fait rien, il y a des tapins bien singuliers...
Le r´présentant d´la loi vint, d´un pas débonnaire.
Sitôt qu´il m´aperçut il s´écria : " Tonnerre!
On est en plein hiver et si vous vous geliez! "
Et de peur que j´n´attrape une fluxion d´poitrine,
Le bougre, il me couvrit avec sa pèlerine.
Ça n´fait rien, il y a des flics bien singuliers...
Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache,
Moi, dont le cri de guerr´ fut toujours " Mort aux vaches! "
Plus une seule fois je n´ai pu le brailler.
J´essaye bien encor, mais ma langue honteuse
Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse.
Ça n´fait rien, nous vivons un temps bien singulier...
Le tavernier du coin vient d´me la bailler belle.
De son établiss´ment j´étais l´meilleur pilier.
Quand j´eus bu tous mes sous, il me mit à la porte
En disant : " Les poivrots, le diable les emporte! "
Ça n´fait rien, il y a des bistrots bien singuliers...
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre
Mort, croyant tout de bon que j´ai cessé de vivre
(Vous auriez fait pareil), s´en prit à mes souliers.
Pauvre homme! vu l´état piteux de mes godasses,
Je dout´ qu´il trouve avec son chemin de Damas-se.
Ça n´fait rien, il y a des passants bien singuliers...
Un étudiant miteux s´en prit à ma liquette
Qui, à la faveur d´la nuit lui avait paru coquette,
Mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller.
Je l´plains de tout mon cœur, pauvre enfant, s´il l´a mise,
Vu que, d´un homme heureux, c´était loin d´êtr´ la ch´mise.
Ça n´fait rien, y a des étudiants bien singuliers...
La femm´ d´un ouvrier s´en prit à ma culotte.
" Pas ça, madam´, pas ça, mille et un coups de bottes
Ont tant usé le fond que, si vous essayiez
D´la mettre à votr´ mari, bientôt, je vous en fiche
Mon billet, il aurait du verglas sur les miches. "
Ça n´fait rien, il y a des ménages bien singuliers...
Et j´étais là, tout nu, sur le bord du trottoir-e
Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires.
Une petit´ vertu rentrant de travailler,
Elle qui, chaque soir, en voyait un´ douzaine,
Courut dire aux agents : " J´ai vu que´qu´ chos´ d´obscène! "
Ça n´fait rien, il y a des tapins bien singuliers...
Le r´présentant d´la loi vint, d´un pas débonnaire.
Sitôt qu´il m´aperçut il s´écria : " Tonnerre!
On est en plein hiver et si vous vous geliez! "
Et de peur que j´n´attrape une fluxion d´poitrine,
Le bougre, il me couvrit avec sa pèlerine.
Ça n´fait rien, il y a des flics bien singuliers...
Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache,
Moi, dont le cri de guerr´ fut toujours " Mort aux vaches! "
Plus une seule fois je n´ai pu le brailler.
J´essaye bien encor, mais ma langue honteuse
Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse.
Ça n´fait rien, nous vivons un temps bien singulier...