Midi minuit
par Jean Guidoni
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Lorsque vous basculez au creux d´un fauteuil rouge
Dans le ventre en velours de vos Champs-Elysées
Et que vous regardez les images qui bougent
Leurs couleurs exactes et leurs vies balisées
Moi, je bascule aussi mais pour d´autres voyages
Dans les sous-sols infâmes, dans du velours crasseux
Autrement fasciné, et par la double image
D´un écran délavé, et par les rangs de ceux
Qui sont là dans le noir à planquer leur angoisse
Ceux qui vont dans la nuit à partir de midi
Poursuivis par la peur, harcelés par la poisse
Ceux qui sont de nulle part, ceux qui sont du taudis
Dès le rideau levé, comme on hisse une voile
Tous les paumés revivent dans les flancs du rafiot
Paris est déjà loin et l´on marche à l´Etoile
Que le vieux projecteur fait scintiller là-haut
Un navire, pourquoi pas? Les odeurs sont si fortes
Qu´on croit sentir le port si l´on ferme les yeux
Pourquoi pas l´océan? Adieu les amours mortes
Et l´on va se noyer dans le flot des banlieues
Bien sûr, la réalité est bien plus prosaïque
Et le vaisseau fantôme un Eden éprouvé
Un Alhambra déchu, un Trianon merdique
Une splendeur défunte permise aux réprouvés
Qu´on soit des beaux quartiers, ou qu´on soit de Nanterre
On a sa place ici, pourvu qu´on soit damné
Ou damné de l´amour, ou damné de la terre
C´est notre enfer à nous. L´enfer est un ciné
Ecarquille les yeux et vois ces bras, ces jambes
Ces sexes écartés forcés à l´infini
Entends ces lourds soupirs prêtés aux corps qui flambent
Les plaisirs de l´enfer ont la monotonie
Des dimanches de pluie, des lundis de chômage
Des semaines sans espoir, des mois dont on se fout
Des années où l´on perd le plus beau de son âge
Et perdu pour perdu, le cul ou le kung-fu
Sont moins avilissants que vos ardeurs suspectes
Vos codes et vos lois, et tout ce qui s´ensuit
Vos images admises sont tout aussi abjectes
Que celles qui me retiennent dans ce midi-minuit
Oui, ça va et ça vient, dans l´écran et les chiottes
Ne sois pas regardant, c´est de l´amour pour rien
Dans l´ombre du balcon, il y a de vieilles fiotes
Quatre pattes, bouche ouverte, mendiant comme des chiens
Ca n´a pas d´importance, c´est un tout autre règne
Les choses ici sont floues et comme inaccomplies
Rien ne peut être sale dans l´ombre de John Wayne
Ou sous le regard noir de quelque sous Bruce Lee
D´ailleurs ils ne font pas tous escale à Sodome
Des tristes passagers, il y a ceux qui rient
Il y a ceux qui mangent, il y a ceux qui dorment
Et qu´indiffèrent l´orgasme de Claudine Beccari
Et moi qui dans la ville en vain recherche un frère
Je suis pareil à toi, frère de la Goutte d´Or
Je veux aimer ce monde mais ce monde est contraire
Alors j´échoue ici, j´ai honte et je m´endors
Toi et moi rejetés par la planète entière
Nous nous reconnaissons, signe particulier :
Même horreur du grand jour, collée à nos paupières
Les mêmes chewing-gums, collés à nos souliers
Dans le ventre en velours de vos Champs-Elysées
Et que vous regardez les images qui bougent
Leurs couleurs exactes et leurs vies balisées
Moi, je bascule aussi mais pour d´autres voyages
Dans les sous-sols infâmes, dans du velours crasseux
Autrement fasciné, et par la double image
D´un écran délavé, et par les rangs de ceux
Qui sont là dans le noir à planquer leur angoisse
Ceux qui vont dans la nuit à partir de midi
Poursuivis par la peur, harcelés par la poisse
Ceux qui sont de nulle part, ceux qui sont du taudis
Dès le rideau levé, comme on hisse une voile
Tous les paumés revivent dans les flancs du rafiot
Paris est déjà loin et l´on marche à l´Etoile
Que le vieux projecteur fait scintiller là-haut
Un navire, pourquoi pas? Les odeurs sont si fortes
Qu´on croit sentir le port si l´on ferme les yeux
Pourquoi pas l´océan? Adieu les amours mortes
Et l´on va se noyer dans le flot des banlieues
Bien sûr, la réalité est bien plus prosaïque
Et le vaisseau fantôme un Eden éprouvé
Un Alhambra déchu, un Trianon merdique
Une splendeur défunte permise aux réprouvés
Qu´on soit des beaux quartiers, ou qu´on soit de Nanterre
On a sa place ici, pourvu qu´on soit damné
Ou damné de l´amour, ou damné de la terre
C´est notre enfer à nous. L´enfer est un ciné
Ecarquille les yeux et vois ces bras, ces jambes
Ces sexes écartés forcés à l´infini
Entends ces lourds soupirs prêtés aux corps qui flambent
Les plaisirs de l´enfer ont la monotonie
Des dimanches de pluie, des lundis de chômage
Des semaines sans espoir, des mois dont on se fout
Des années où l´on perd le plus beau de son âge
Et perdu pour perdu, le cul ou le kung-fu
Sont moins avilissants que vos ardeurs suspectes
Vos codes et vos lois, et tout ce qui s´ensuit
Vos images admises sont tout aussi abjectes
Que celles qui me retiennent dans ce midi-minuit
Oui, ça va et ça vient, dans l´écran et les chiottes
Ne sois pas regardant, c´est de l´amour pour rien
Dans l´ombre du balcon, il y a de vieilles fiotes
Quatre pattes, bouche ouverte, mendiant comme des chiens
Ca n´a pas d´importance, c´est un tout autre règne
Les choses ici sont floues et comme inaccomplies
Rien ne peut être sale dans l´ombre de John Wayne
Ou sous le regard noir de quelque sous Bruce Lee
D´ailleurs ils ne font pas tous escale à Sodome
Des tristes passagers, il y a ceux qui rient
Il y a ceux qui mangent, il y a ceux qui dorment
Et qu´indiffèrent l´orgasme de Claudine Beccari
Et moi qui dans la ville en vain recherche un frère
Je suis pareil à toi, frère de la Goutte d´Or
Je veux aimer ce monde mais ce monde est contraire
Alors j´échoue ici, j´ai honte et je m´endors
Toi et moi rejetés par la planète entière
Nous nous reconnaissons, signe particulier :
Même horreur du grand jour, collée à nos paupières
Les mêmes chewing-gums, collés à nos souliers