Quand on chope dix-huit ans
Il faut choisir un métier
Un copain d´ mon quartier
Comme son père est paysan
D´autres font ouvrier,
Mécanicien, plâtrier
Pis y a les fonctionnaires
Petites heures, petit salaire
Ceux qui font commerçant
C´est sympa mais vite lassant
Et ceux qui font chômeur
C´est d´ moins en moins cher de l´heure

Oui mais, moi,
J´ai longtemps balancé
Pour embrasser une carrière
Ce n´est pas à la légère
Qu´il faut choisir son métier
Après avoir passé,
Le teint vitreux et l´œil blême
Des nuits penché sur l´ problème
J´ai choisi d´être héritier

Travailler, c´est un choix
Je n´ai pas fait celui-là

Bien sûr il faut avoir
Quelques dispositions
Des parents bien friqués, souffrant d´une santé précaire
Bien sûr il faut savoir
Sauter sur l´occasion
Dans leur tasse de verveine, tripler la dose de somnifère

Je m´en suis bien sorti
J´ai mon diplôme d´héritier
C´est un super métier
Le salaire est garanti
On est plutôt serein
On commence pas tôt l´ matin
C´est un boulot peinard
On finit pas tard le soir
Quand j´ pense à mes copains
Toute la journée au turbin
Pour quelques picaillons
J´ me dis qu´y sont vraiment cons

Parce que moi
J´ai beaucoup plus de temps
Pour les joies de l´existence
Cinquante-deux s´maines de vacances
Ça laisse quand même des loisirs
Le seul truc emmerdant
C´est qu´ des fois j´ me prends la tête
Acapulco ou Papeete?
C´est dur quand il faut choisir

J´ai l´ lundi au soleil
Et les aut´ jours c´est pareil
Bien sûr il faut avoir
D´ l´aptitude au plaisir
Il faut bien reconnaître que c´est pas donné à tout l´ monde
Bien sûr il faut savoir
Satisfaire ses désirs
Une compétence pointue, pas très répandue dans l´ quart-monde

Y a quand même un souci
Je préfère vous en parler
Il vaut mieux se méfier
Pour ne pas finir occis
Par vos charmants enfants
Faut les comprendre, c´est tentant
Évitez la verveine,
Le tir à la fête foraine,
Les poêlées d´ champignons
Mais au fond la solution
Pour êt´ sûr de son coup
Vaut mieux pas d´enfants du tout

À part ça
J´ suis r´tourné discuter
Avec mes copains d´enfance
J´ai parlé d´ mon expérience
Pour un peu les épater
J´ leur ai tout raconté
Montré tous tes avantages
De vivre sur un héritage
Ils m´ont à peine écouté

Les copains, qu´est-ce qu´y a?
Pourquoi vous faites cette gueule-là?

Mais ils m´ont répondu
Des arguments frappants
J´aurais pas cru ça d´eux
J´en ai vraiment pris plein la poire
Y en a qui m´ont mordu,
Éclaté les tympans
Bref, ils m´ont j´té dehors
À coups d´ pompes dans les génitoires
Aïe! Ouille! Ouille! Ouille!

Depuis c´est évident
À tous les inconvénients
Déjà répertoriés
D´ la position d´ salarié
Faut encore ajouter
Cette triste vérité :

Le statut de travailleur
Ne met pas de bonne humeur