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Allô, c'est moi

par Lynda Lemay

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Comme un rayon dans un tunnel,
Une étincelle dans l´horizon,
Y avait ma vie, j´y arrivais
La voix d´ ma mère a résonné
comme un tonnerre de temps mauvais
Maman savait qu´ j´allais m´échouer
Un peu comme une étoile de mer
Sous une lueur de lune au fond des yeux,
Les yeux d´ mon père

À ma façon, j´ai dit "Allo!
C´est moi, j´ai froid, tenez-moi chaud"
Je grelottais, comme ma grand-mère
Qui voulait m´ prendre la première
On s´est réjoui de mes sanglots
J´étais en vie j´étais en larmes et puis bravo

Dans de la ouate et du velours,
A quatre pattes, j´ai fait mille tours
D´une maison remplie d´amour
Mais sous mes draps, les soirs d´orage,
J´ voulais voir mon papa, j´ poussais des cris
J´ manquais d´ courage

C´ que j´aurais dû faire l´autruche
Et faire confiance à ma peluche
Et savoir que la nuit est douce
Tant qu´on étreint son vieux nounours!
C´ que j´aurais dû fermer ma gueule
Puisque la nuit, même en famille, on est tout seul!

Beaucoup plus tard, sous la lueur
D´un grand espoir,
j´ai vu ton cœur s´ouvrir à moi,
On n´peut plus large
On s´est aimés à toute allure
comme des fusées mais dans l´azur
On s´est échoués sur un nuage
Un seul orage a tout fichu en l´air
Et c´est en un éclair
Que tout bêtement, on s´est perdus

C´ que j´aurais dû fermer ma gueule
Fermer mon cœur avant qu´tu veuilles
En sortir! Fermer le cercueil
De notre amour avant de le voir mourir
C´ que j´aurais donc dû être plus sage
Et m´ contenter du p´tit nuage

Tu étais là et tu m´aimais
J´ sais pas pourquoi mais j´en doutais
Tu étais là, t´étais mon homme
Un pas parfait, un qui déconne
C´ que j´aurais dû faire l´autruche
Et te serrer comme il se doit,
Comme une peluche

Pendant des mois, j´ai bien tenté
De faire le deuil de notre histoire
De mettre une croix sur ma mémoire
Mais l´ téléphone sonnait plus gras
Que les églises et leurs vieux glas
Quand tu m´appelais et chaque fois
Qu´ j´ voyais ton nom sur l´afficheur
J´ restais là jusqu´au son du répondeur
Qui me répétait

"Allo, c´est moi, allez, réponds!
Je sais qu´ t´es là à la maison
J´ai le cœur froid, j´ai le cœur gros,
Ne veux-tu pas le tenir chaud?"
J´ restais assise sur mon courage,
L´orgueil noué dans l´œsophage
Et j´écoutais

"Allo, c´est moi, allez, réponds!
Si j´ t´ai fait mal j´ te d´mande pardon"
Tu disais tout ce qu´il fallait
Pour que j´ te parle, mais j´ l´ai pas fait
J´ me repliais sur mes bobos
j´étais en vie, j´étais en larmes et puis bravo

"Allo, c´est moi, j´ voudrais que tu m´ donnes,
Je t´en supplie, une deuxième chance
Allo, c´est moi! Prends l´ téléphone,
T´as qu´à dire oui et on r´commence"
Mais l´ téléphone, un jour de pluie,
Il a changé sa douce sonnerie en silence

Y a des rayons sur tes rideaux,
Comme des éclairs de temps trop chaud
J´ crois que c´est ta télévision, cette lueur
Dans la fenêtre de ta demeure
Où t´es peut-être en pyjama
Devant un film d´action

Ça fait tant d´ lunes que j´ me retiens,
Peut-être bien par orgueil ou par rancune
Ou par chagrin
Voilà que je sonne et l´ carillon
Gronde et résonne comme un tonnerre
Moi, je suis là sur ton balcon
En train d´ vibrer comme une grand-mère
Je crie "Allo! Est-ce que t´es là?
J´ai tellement froid, j´ai le cœur gros,
Me revoilà"

Je reste là, comme une idiote,
J´entends des pas derrière la porte
J´ recule un brin, j´ vois ta fenêtre qui s´éteint
Et je sanglote
Oui, le message est assez clair,
Il est trop tard et j´ai l´espoir comme un désert

Au fond ne devrait-on pas tous,
Par temps d´orage, faire l´autruche?
Maintenant, la nuit me fout la frousse
Et j´ai jeté toutes mes peluches

J´ prends mon portable, je signale
J´entends "Viens-t´en ma p´tite étoile"
Et, l´ cœur en sable, je dis "J´arrive"
Je sais pas trop comment ça s´ fait
Qu´encore une fois maman savait
Qu´ j´allais m´échouer sur sa vieille rive

Alors, bien entendu, je viens
Alors, bien entendu, j´accours
Bientôt, je frappe de mon p´tit poing
La belle maison remplie d´amour
Et je marmonne "Allo, c´est moi",
j´ai comme des caillots dans la voix
C´est d´jà ouvert

Maman m´ prépare un repas chaud
Et j´ vois papa dans son fauteuil
Y m´ regarde sans me dire un mot,
Une lueur de lune au fond de l´œil
Du vestibule où j´étudie
Ce gros silence qu´ils ont construit
Et j´ les envie!

Y sont pas de ceux qui s´en veulent
Y vont se rendre au bout d´ leur vie
En sachant bien fermer leurs gueules
Se t´nir la main, les jours de pluie
Et y font ça pour être tranquilles,
Pour être ensemble, pour leur fille
Même si la nuit, même en famille,
On est tout seul!
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