Je cavale après mon enfance
De petit paysan de France
De cul-terreux
Quand je jouais au Roi des Aulnes
Dans ce jardin de Haute-Saône
A Montreux
Je décollais pas des sabots
De l´Albert, de l´Auguste Baux
Ou bien du Georges
Qui, le visage surchauffé,
Faisait pour boire du café
Griller de l´orge

Je cavale après mon enfance
Pour me retrouver sans défense
Comme au point mort
Mais y embrasser mon grand-père
Que j´appelle encore Pépère
Bien qu´il soit mort
Dans la rue, flânaient les poulets
C´est qu´à Montreux-lès-Baulay
Z´étaient sans gêne
Mais c´était folie aussitôt
Que bringuebalait une auto
A gazogène

Je cavale après mon enfance
Pardonnez si je fais offense
A vos héros
C´était dans les années quarante
Pour moi, la guerre était marrante
C´était Zorro
Quand les champs étaient menacés
Toute l´école allait chasser
Les doryphores
Etaient ainsi également
Nommés, je crois, les allemands
Par métaphore

Je cavale après mon enfance
Mon blé, ma pâte de souffrance
Et mon fournil
En ce temps-là, le cimetière
Servait autant qu´une chatière
Dans un chenil
Personne n´y était encore
Chacun étant mieux dans son corps
Que sous la pierre
Ils y sont tous allés depuis
Joseph, Henri, Pépère et puis
Le petit Pierre

Car cet enfant que tu n´es plus
C´est comme un enfant de perdu