Maman est devenue une vieille peau
Elle se prend pour un bonobo
Dès qu´elle voit un mec qu´elle trouve beau
Elle lui tombe raide su´ l´ paletot
Le malheureux a beau s´ débattre
Ma vieille mère n´en a rien à battre
Elle lui fonce droit sur le caleçon
S´ colle à lui comme un limaçon
S´il a l´ malheur de résister
Elle est capable de l´assommer
Et le ranime avec ardeur
En roucoulant contre son cœur

"Réveille-toi donc, pauvre innocent
Que je te montre sur le champ
Comment maman ranime la flamme
Des grands garçons qu´ont peur des dames
Comme au pays des bonobos
Ne pleurons pas sur nos p´tits maux
Ne restons pas le cul par terre
Y vaut mieux s´envoyer en l´air!"

Dimanche dernier, misère de sort
Elle tomba sur un matador
Qui se vantait de son adresse
Et d´ ses collections d´ jolies fesses
Elle a attrapé le barbu
Et lui a dit "T´as pas tout vu!"
On l´a retrouvé trois jours plus tard
Dans l´ coma au fond d´un placard
Il grelottait en gémissant
"J´en peux p´us, j´en peux p´us! Maman!"
Elle lui a dit dans un gros rire
"C´est pas l´ tout d´ promettre, faut fournir!

Réveille-toi donc, pauvre innocent,
Ou j´ dis à tout l´ monde, sur le champ,
Que t´en racontes plus qu´ tu n´en fais
Qu´ t´es amorti en trois baisers
Comme au pays des bonobos
Faut pas s´endormir au dodo
Les vantards, vous pouvez me croire,
Ne sont pas les rois au plumard"

C´est affreux mais même les vieillards
N´ sont pas à l´abri d´ ses écarts
Si elle en chope un qui lui plaît
Elle s´agrippe à lui, rien n´y fait!
Sans respect pour les cheveux blancs
Elle jette le vieux sans ménagement
Les quatre fers en l´air dans l´ talus
Et si le pauvre n´en peut plus
L´abandonne à son triste sort
En lui gueulant "Debout les morts!"
Et retourne dare-dare pourchasser
Un plus vigoureux pistolet

"Réveille-toi donc pauvre innocent
C´est pas parce que t´as plus de dents
Qu´y faut trembler comme une gonzesse
Quand tu vois une belle paire de fesses
Comme au pays des bonobos
Restons gaillards jusqu´au tombeau
Si t´as oublié l´ mode d´emploi
Moi, j´ le connais sur l´ bout des doigts"

On n´a pas pu calmer maman
Et le docteur, sans ménagements,
A fait mener la nymphomane
Au pays des fous, à Sainte-Anne
On dit que d´puis qu´elle y est entrée
Tous les services sont dévastés
Elle n´arrête pas d´ faire le guignol
Fait l´inventaire des roubignoles
Le corps médical, épuisé,
Ne sait plus à quel saint se vouer
Et aucun bromure ne calme
Maman qui, sans repos, s´exclame

"Dopez-moi ces vieilles biroutes
Ces tristes médecins en déroute
Qui refusent, dans le creux d´ mon lit
De soigner ma mélancolie
Comme au pays des bonobos
Jouons à la bête à deux dos
Comme eux, ayons assez d´esprit
Pour anticiper l´ paradis"

Maman est morte un beau matin
Comme les meilleures choses ont une fin
La main serrée su´ l´ goupillon
D´un gars qu´était plutôt mignon
Le curé à son enterrement
Fit l´éloge d´ son tempérament
Et d´ son souci de faire plaisir
J´en ai vu quelques-uns sourire
Maman t´as p´t-être pas eu raison
De pousser aussi loin l´ bouchon
Mais quand je vois les gens vertueux
Je m´ dis que toi, c´était bien mieux

Je me fous bien des propos aigres
De ce troupeau de pisse-vinaigre
Et j´ tire la langue aux faux sourires
Des faux culs et des peine-à-jouir
Comme au pays des bonobos
J´ suis sûre que c´est l´ raffut là-haut
Même si les anges sont bien gaulés
J´ suis sûre qu´ tu vas pas m´oublier

Pas m´oublier!