Un village
par Michel Bühler
lyricscopy.com
Il est écrit "Bienvenue" à l´entrée du village
Sur un panneau en bois entouré d´ géraniums
Après, y a l´abribus où l´ car du ramassage
Chaque matin prend deux gosses qui mâchent du chewing-gum
Autour, c´est du maïs, du colza, des patates
L´ seul paysan qui reste - endetté jusqu´au cou -
Répand ´vec son tracteur les engrais, les phosphates
Faut bien que la terre donne de l´argent, des gros sous
L´avait été question d´une zone industrielle
Qu´aurait p´t-être apporté un p´tit boulot pour lui
Puis, y a rien qui s´est fait, la seule bicoque nouvelle
C´t un hangar où végètent trois poulets en batterie
Au moment des récoltes, des Polonais, au noir,
Payés à coups d´ lance-pierres se penchent sur les champs
C´est c´ qu´on pourrait appeler un patelin sans histoire
Un p´tit bled bien d´ chez nous, presque pareil qu´ dans l´ bon temps
Y a des réverbères neufs, on dirait des anciens
Des fermes rénovées avec tuiles vieillies
Avec pierres apparentes, grilles en fer, p´tits jardins
Et garages pour quatre-quatre dans l´ancienne écurie
La fontaine où jadis on abreuvait l´ bétail
On l´a remplie d´ terreau, r´couverte de capucines
De toute façon, la flotte n´ valait plus rien qui vaille
Vu la décharge qui dort là-haut, dans la colline
On voit des traces de lettres sur le mur d´une p´tite maison
Ça d´vait être l´épicerie, à c´ qu´on dit, à c´ qu´on croit
De l´école, reste juste le perron, le clocheton
Pour l´ bistrot y a des doutes : où était-il? On n´ sait pas
Y a un couple de profs tiers-mondistes vaguement
Z´ont voulu faire une fête d´vant chez eux, dans la rue
Pour créer des liens, tu parles, pour rapprocher les gens
Z´ont pas vu un pelé, pas un tondu non plus
Quand y a un vieux qui claque, faut voir ça dans l´ quartier
Tous les vautours qui s´ pointent, promoteurs, antiquaires
Et le mort est à peine refroidi, enterré
Qu´on a d´jà liquidé toute sa vie aux enchères
L´ dernier qu´a tout achetén c´t un type bien, c´t un banquier,
Sa femme qu´adore l´air pur s´ voit d´jà faire la fermière
Dans c´ qu´on pourrait appeler un endroit préservé
Plantera du biologique, cultivera comme naguère
C´est pas tout, y a, plus loin, posées sur l´ bord d´ la route
D´ ces villas mitoyennes où ça vit bien à l´aise
Crépi façon Provence, elles se ressemblent toutes
Avec le parasol, la table et les quatre chaises
Sur les p´louses ont fleuri les piscines en plastique
Les paraboles pointées vers un bout d´ l´infini
Dommage que juste au-d´ssus, y a la ligne électrique
Et ces foutus pylônes qui font d´ l´ombre à midi
Y a les ados piercés, pantalons sur les fesses
Qui se la jouent rebelle et consomment à tout va
Des r´traités qu´aimeraient bien retrouver leur jeunesse
Et font d´ la gymnastique un peu comme les Chinois
On tond l´ gazon l´ sam´di, on astique la bagnole
Et puis on s´ tape trente bornes jusqu´au centre commercial
On remplit l´ monospace de bidoche et d´ picole
On engueule le gamin qu´est vraiment infernal
Sur des affiches y a d´ chouettes gonzesses qui montrent leur cul
Un cow-boy sur son ch´val qui fume et dit "Be free!"
Le dimanche, c´est plus calme, odeur des barbecues
Transistors, crème solaire et voisins qui s´épient
Bref, il manque rien là pour nager dans l´ bonheur
Y a tout : la liberté et le progrès qu´avance
Le paradis sur Terre, pour le chercher ailleurs,
Faut être naze, il est là! C´est-y pas l´évidence?
Si tu veux des racines, si t´as b´soin d´authentique
Si t´as trois sous d´vant toi et pis qu´ t´es propre et blanc
Ben ouais, faut quand même pas que n´importe qui rapplique
Viens t´installer ici, tout est prêt, on t´attend
Il est écrit "Bienvenue" à l´entrée du village
Sur un panneau en bois entouré d´ géraniums...
Sur un panneau en bois entouré d´ géraniums
Après, y a l´abribus où l´ car du ramassage
Chaque matin prend deux gosses qui mâchent du chewing-gum
Autour, c´est du maïs, du colza, des patates
L´ seul paysan qui reste - endetté jusqu´au cou -
Répand ´vec son tracteur les engrais, les phosphates
Faut bien que la terre donne de l´argent, des gros sous
L´avait été question d´une zone industrielle
Qu´aurait p´t-être apporté un p´tit boulot pour lui
Puis, y a rien qui s´est fait, la seule bicoque nouvelle
C´t un hangar où végètent trois poulets en batterie
Au moment des récoltes, des Polonais, au noir,
Payés à coups d´ lance-pierres se penchent sur les champs
C´est c´ qu´on pourrait appeler un patelin sans histoire
Un p´tit bled bien d´ chez nous, presque pareil qu´ dans l´ bon temps
Y a des réverbères neufs, on dirait des anciens
Des fermes rénovées avec tuiles vieillies
Avec pierres apparentes, grilles en fer, p´tits jardins
Et garages pour quatre-quatre dans l´ancienne écurie
La fontaine où jadis on abreuvait l´ bétail
On l´a remplie d´ terreau, r´couverte de capucines
De toute façon, la flotte n´ valait plus rien qui vaille
Vu la décharge qui dort là-haut, dans la colline
On voit des traces de lettres sur le mur d´une p´tite maison
Ça d´vait être l´épicerie, à c´ qu´on dit, à c´ qu´on croit
De l´école, reste juste le perron, le clocheton
Pour l´ bistrot y a des doutes : où était-il? On n´ sait pas
Y a un couple de profs tiers-mondistes vaguement
Z´ont voulu faire une fête d´vant chez eux, dans la rue
Pour créer des liens, tu parles, pour rapprocher les gens
Z´ont pas vu un pelé, pas un tondu non plus
Quand y a un vieux qui claque, faut voir ça dans l´ quartier
Tous les vautours qui s´ pointent, promoteurs, antiquaires
Et le mort est à peine refroidi, enterré
Qu´on a d´jà liquidé toute sa vie aux enchères
L´ dernier qu´a tout achetén c´t un type bien, c´t un banquier,
Sa femme qu´adore l´air pur s´ voit d´jà faire la fermière
Dans c´ qu´on pourrait appeler un endroit préservé
Plantera du biologique, cultivera comme naguère
C´est pas tout, y a, plus loin, posées sur l´ bord d´ la route
D´ ces villas mitoyennes où ça vit bien à l´aise
Crépi façon Provence, elles se ressemblent toutes
Avec le parasol, la table et les quatre chaises
Sur les p´louses ont fleuri les piscines en plastique
Les paraboles pointées vers un bout d´ l´infini
Dommage que juste au-d´ssus, y a la ligne électrique
Et ces foutus pylônes qui font d´ l´ombre à midi
Y a les ados piercés, pantalons sur les fesses
Qui se la jouent rebelle et consomment à tout va
Des r´traités qu´aimeraient bien retrouver leur jeunesse
Et font d´ la gymnastique un peu comme les Chinois
On tond l´ gazon l´ sam´di, on astique la bagnole
Et puis on s´ tape trente bornes jusqu´au centre commercial
On remplit l´ monospace de bidoche et d´ picole
On engueule le gamin qu´est vraiment infernal
Sur des affiches y a d´ chouettes gonzesses qui montrent leur cul
Un cow-boy sur son ch´val qui fume et dit "Be free!"
Le dimanche, c´est plus calme, odeur des barbecues
Transistors, crème solaire et voisins qui s´épient
Bref, il manque rien là pour nager dans l´ bonheur
Y a tout : la liberté et le progrès qu´avance
Le paradis sur Terre, pour le chercher ailleurs,
Faut être naze, il est là! C´est-y pas l´évidence?
Si tu veux des racines, si t´as b´soin d´authentique
Si t´as trois sous d´vant toi et pis qu´ t´es propre et blanc
Ben ouais, faut quand même pas que n´importe qui rapplique
Viens t´installer ici, tout est prêt, on t´attend
Il est écrit "Bienvenue" à l´entrée du village
Sur un panneau en bois entouré d´ géraniums...